Homélie pour la Toussaint

Frère Christophe de Thibirine

Oh ! Oui, frères et sœurs, nous avons bien raison en ce jour de Toussaint d'acclamer la Parole de Dieu. Parole sainte du Dieu saint. Quel Dieu est grand comme lui ? Allahu akbar. Sainteté du Tout Autre : Lui, l'Unique Tout Saint. Prosternons-nous vers sa montagne sainte. Mais... n'est-ce pas trop haut : montagne inaccessible, sainteté inabordable à nos pauvres moyens... tout juste bonne à entretenir nos rancoeurs, ou nos rêves ; à soulager notre misère incurable ? Non. Oh ! non. Car... Dieu : la sainteté est son chemin. Ce chemin, bien des hommes et des femmes et des enfants l'ont pris... ou plutôt l'ont reçu de Lui. Ce chemin est praticable. Les saints, chacune et chacun à sa façon... ils n'ont rien fait d'autre que marcher humblement au pas de leur Dieu. Saint est son Nom. La sainteté, c'est son chemin avec nous, en nous. Regardons l'Evangile. Jésus sur l'humble montagne des Béatitudes. Jésus le Verbe de Dieu ouvre la bouche et nous donne l'Evangile de la gloire du Dieu bienheureux. Oh ! Bonne nouvelle : Dieu est heureux. Heureux Créateur. Heureux Rédempteur : Bien heureuse Trinité Sainte. Dieu – béni soit-il : la sainteté est son chemin. Venez, tous les pauvres ! Son bonheur s'est mis en route : en souci du bonheur de l'homme.

Une longue histoire de grâce et de péché : histoire sainte... Abraham, Moïse, Isaac... David... Un jour, le bonheur de Dieu s'est penché, s'est incliné... et Dieu a épousé le cœur pauvre d'une femme croyante. Le nom de la jeune fille : Marie. Tous les âges la diront bienheureuse : heureuse et sainte du bonheur de son Bien-Aimé Seigneur, de sa volonté, de son Règne. Heureuse et sainte de son Nom prononcé en sa chair : celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu. Voyez, frères et sœurs, quand Dieu rencontre la foi : quel bonheur ça fait ! Heureux ceux qui croient : heureux tous les croyants.

Revenons à l'humble montagne. Approchons-nous de Jésus... J'ai une question à poser : Maître, dis-moi... As-tu été heureux sur cette terre ?  Toi, né dans une étable, fils du charpentier, toi sans référence ni diplômes (ni prêtre du Temple, ni docteur de la Loi), toi sans maison et célibataire... Toi, enfin le Crucifié : as-tu connu le bonheur ? Jésus nous regarde. Son regard attire à Lui tant d'autres questions. La question d'Ahmed : celle d'un bonheur impossible : pas de logement, pas de mariage, pas d'avenir, pas d'espérance... Le bonheur qui s'épuise. La question de Joël et de ses cinq enfants, celle du bon Dieu. Il dit : En marche les humiliés du souffle ! Oui, le Royaume des cieux est à eux « En marche les endeuillés, oui, ils seront réconfortés ! En marche les humbles, les affamés, les assoiffés de justice, les faiseurs de paix ! Heureux les pauvres. Béatitudes ! Elles sont la Révélation de la Grâce de Dieu, de son Bonheur donné en communion.

Tout s'éclaire : le bonheur de Jésus, c'est nous. Jésus n'a pas investi, n'a pas travaillé pour son bonheur à lui. Jésus, sans relâche, a travaillé au bonheur de Dieu. Mon Père jusqu'à présent est à l'œuvre, et moi aussi, je suis à l'œuvre (Jn 5,17)... ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement. Jésus en toute sa vie humaine n'a jamais trahi le bonheur de Dieu. : sa Volonté de Salut, son Offre de Miséricorde. Alors ? Bonheur de Jésus ? Oui une capacité infinie d'être heureux, une sensibilité. Jusqu'à l'extrême. Jésus : heureux d'amitié, de rencontre et de partage, heureux de solitude et de prière, heureux du chemin et de la maison, des arbres, des oiseaux, du vent. Mais jamais au détriment des autres, heureux, mais pas sans les autres, surtout pas sans les pauvres. Il y va de l'honneur et de la gloire de son Père. Cette façon-là d'être heureux le rend infiniment vulnérable et le conduit à la Croix. Jésus : ton bonheur crucifié, est-ce le malheur qui s'introduit au cœur de Dieu ? Non, car Dieu, la sainteté est son chemin... chemin de Pâques. Jésus – fidèle jusqu'au bout à la Miséricorde, à la Justice, à la Paix. Christ Ressuscité, élevé à la droite du Père, nous invite à entrer dans ce bonheur divin. La grâce de Jésus notre Seigneur, l'amour de Dieu le Père et la communion de l'Esprit Saint sont toujours avec nous. Oh ! Voyez : enfants de Dieu, nous le sommes (1 Jn 3,1) et c'est là toute notre sainteté.

Frères et sœurs, saints et saintes : acceptons ce bonheur, acceptons d'être aimés. Ce bonheur maintenant pour nous se fait tout proche : sur la table, là, prenant la forme pauvre et simple du pain rompu, et dans la coupe, prenant le goût – bien bon – du vin. Laissons-nous brûler par ce bonheur, livré à la merci de tous : qu'il devienne notre passion, notre mission reçue du Cœur blessé de Dieu

Homélie pour la Toussaint, 1er novembre 1989

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