Demander la lumière

Lorsque nous insistons avec véhémence dans notre prière, nous arrêtons en notre esprit Jésus qui passe. Ainsi est-il dit: Jésus s'arrêta, et donna l’ordre qu’on lui amène l’aveugle. Voici que s’arrête celui qui, auparavant, passait, car, tandis que nous sommes encore troublés par les images dans notre prière, nous sentons Jésus qui passe, en quelque sorte. Mais, lorsque nous insistons avec  véhémence dans la prière, Jésus s’arrête pour nous rendre la lumière, car Dieu se fixe en notre cœur et la lumière perdue est recouvrée.

 Il faut remarquer ce que Jésus dit à l’aveugle qui s’approche: Que veux-tu que je fasse pour toi? Celui qui avait le pouvoir de rendre la vue ignorait-il ce que voulait l’aveugle? Mais il veut que lui soit demandé ce qu’il prévoit à la fois que nous demanderons et qu’il accordera. II nous incite à prier avec importunité, mais il dit pourtant: Votre Père des cieux sait de quoi vous avez besoin avant même que vous l’ayez demandé. Il parle donc ainsi pour que nous demandions, il parle ainsi pour exciter notre cœur à la prière. Et, de fait, l’aveugle ajouta aussitôt: Seigneur, que je voie. Voici que l’aveugle attend du Seigneur, non de l’or, mais la lumière. Il ne se soucie pas de demander autre chose que la lumière, car même si l’aveugle peut avoir ce qu’il veut, sans la lumière il ne peut pas voir ce qu’il a.
    En conséquence, frères bien-aimés, imitons celui dont nous avons appris qu’il a été guéri non seulement dans son corps mais aussi dans son âme. Attendons du Seigneur, non les fausses richesses, non les biens terrestres, non les honneurs éphémères, mais la lumière; non pas la lumière qui peut être contenue dans un espace, qui disparaît avec le temps, qui est modifiée par l’interruption des nuits, qui est vue aussi bien par nous que par les animaux, mais désirons cette lumière qu’avec les seuls anges nous puissions contempler, celle que nul commencement n’ébauche, qu’aucun terme n’amenuise.
    Pour atteindre cette lumière, c’est la foi qui est le chemin. Voilà pourquoi il est normal que Jésus, s’adressant à l’aveugle qu’il est en train d’illuminer,  réplique aussitôt: Regarde, confiance, ta foi t’a sauvé. Mais à cela, une arrière-pensée charnelle objecte:  « Comment puis-je chercher une lumière spirituelle que je ne puis voir? Et d'où peut me venir le certitude qu'elle existe, puisqu'elle ne brille pas aux yeux du corps? » N'importe qui brièvement répondra à cette pensée, que cela même qu'il ressent, il en a l'idée non par le corps, mais par l'âme. Or nul ne voit son âme, et cependant personne n'ira mettre en doute qu'il ait une âme, même s'il ne la voit pas.
               
Homélie 2,5. 7: PL 76, 1084-1085
 

 

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