Un peuple en attente

Voilà ! L’humanité est en attente de Dieu. Le peuple élu qui, lui, marche en tête, plus sensible à l’attente, fixe son regard sur l’horizon. Désormais le Messie doit être proche. Que cherche en lui ce peuple, son peuple ? Quels traits s’attend-il à découvrir à première vue, sur le visage du Messie ? La puissance, la gloire, la lumière éblouissante, le triomphe.
Et que voit-il arriver ? La faiblesse, la petitesse, l’obscurité, l’anonymat. Qui a reconnu la venue de Dieu sous les apparences charnelles d’un petit enfant sans défense ? Personne ! Marie, la pauvre maman de Jésus, tient dans ses bras l’inconnu des nations, le vrai “Dieu caché” d’Isaïe. Parmi tous ceux qui l’attendaient, aucun ne l’a reconnu. Personne n’est venu de Jérusalem, la ville sainte, piédestal du trône de Dieu ! Ce fut pire encore ! Quelqu’un s’est déplacé, mais pour tuer l’importun qui venait de manière si différente de ce que l’on attendait. Le peuple le plus religieux de la terre, le peuple élu ne vivait que de cette attente, et cette attente était devenue fièvre, cela se sentait dans l’air. Que cherchait ce peuple scrutant l’horizon messianique, l’aurore de toutes les prophéties ? Il cherchait le Fils de David, le vainqueur, le Dieu des armées, celui qui devait restaurer le royaume, celui qui devait enfin chasser les Romains détestés ! Triomphe, victoire, sécurité : toujours le même rêve !
Et qu’arrive-t-il ? Un pauvre ouvrier, obscur dans un village obscur, et, qui plus est, méprisé. Il n’y a rien à faire, après tant d’années d’attente, personne ne s’est aperçu de sa venue. Les regards cherchaient bien autre chose que la sueur d’un travailleur ou l’anonymat d’un pauvre !
Et comment finit cette histoire ? Le conflit entre Celui qui se dit le Fils de Dieu, le Messie, et ceux qui ne peuvent accepter une telle manière de procéder, ce conflit atteint son paroxysme et se résout par la crucifixion d’un innocent.
Dites-moi, si aujourd’hui, Bethléem, Nazareth, le Calvaire, ne sont pas la démonstration du silence de Dieu, de la pauvreté de Dieu, de ces voies qu’il parcourt en réalité pour venir à nous et se faire connaître ! Et ces voies sont ténèbres ! Oh ! Non point ténèbres pour lui, non point ténèbres en elles-mêmes, car rien n’est plus lumineux que l’anéantissement de Jésus à Bethléem, que la réalité de l’Incarnation à Nazareth, que l’amour infini et libérateur du Calvaire. Tout cela est lumière, et quelle lumière !
Mais cela est ténèbres pour nous qui aimons faire parler de nous, tandis que Dieu est silencieux. Cela est ténèbres pour nous qui voulons la puissance, tandis que Dieu est douceur. Cela est ténèbres pour nous qui voulons jouir, toujours jouir, alors que Dieu, lui, est service et amour gratuit et souvent douloureux.

Le Dieu qui vient, p. 126-127.

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